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Jimmy Page, 1959 Jimmy Page Jimmy Page, 2004

Première partie : De la naissance à la fin des Yardbirds

Bruits

Jimmy Page connut au moins deux naissances. Une physique et une artistique. La première est, bien sûr, commune à tout homme. L’autre fit de sa vie une exception. Pourtant les hommes se consacrant aux arts sont nombreux. Mais il excella dans le sien comme rarement on le fit. Ce faisant il permit à d’autres de faire de même.

James Patrick Page naquit à Heston, une ville proche de Londres, le 9 janvier 1944. Sa mère était secrétaire chez un médecin, son père directeur du personnel. C’était donc une famille plutôt aisée. Cela n’a pas été sans conséquence pour la suite.
Il faut dire un mot de l’époque. Elle était terrible. La guerre touchait à sa fin. Mais les allemands ne s’avouaient pas vaincus. Ils résistèrent jusqu’au bout de leurs forces et même au delà. Le nazisme, cet ogre de l’humanité, voulait encore son tribut de chairs tourmentées. Seule sa mort, programmée, arrêta sa folie.
Le bruit des avions traversant le ciel. C’est le souvenir de Jimmy Page d’Heston. Faut-il y voir une influence originelle de sa musique ? Idée tentante mais exagérée. Mais déjà l’importance du son. Les oreilles vives.
Quand il eut 8 ans la petite famille s’installa plus au sud, dans la campagne proche de Londres, à Epsom. Sa mère se souvient de son fils sage jusque dans ses jeux. Il se liait difficilement avec les autres enfants. Etre seul cela ne le gênait pas. C’était un solitaire. Cette situation inquiétait quelque peu sa mère. Quelques années plus tard tout allait devenir plus bruyant et agité.

Apprenti guitariste

A l’age de 13 ans il entendit « Baby, Let’s Play House » d’Elvis Presley. Dans la grise Angleterre cette énergie, cette joie, qui se dégageait du morceau marqua le jeune adolescent - comme tant d’autres d’ailleurs. Immédiatement il voulu en être. C’est sa deuxième naissance. Une fois chez lui il s’empara d’une vieille guitare espagnole abandonnée là par un oncle. Par la suite il prit quelques cours. D’après ses dires, il en sut bientôt autant, sinon plus, que son professeur. Cette aisance était surprenante : Ses parents étant totalement étrangers au monde de la musique. Loin de s’inquiéter de cette passion soudaine ils l’encouragèrent. Le salon fut dédié à la musique. S’y entassèrent, petit à petit, une chaîne hi fi, des enceintes, des guitares, des amplis, une batterie, un orgue, un enregistreur. Le parfait laboratoire d’un apprenti musicien.
Sa mère lui offrit sa première guitare électrique, une demie caisse Hoffman. Puis rapidement se furent une Grazzioso, une copie de Stratocaster, et enfin une vraie Fender Stratoscaster.
Le voilà étudiant les jeux de Scotty Moore et de James Burton. Tous les deux venaient de la country et ils avaient adapté leurs jeux à la guitare électrique. Moore avait une technique dérivée du fingerpicking. Burton utilisait le flatpicking, une technique au médiator venue du banjo. Le jeu de Jimmy était un compromis des deux : il utilisait le médiator et aussi ses doigt (1). Cette technique lui permit de très bien sonner en acoustique. Ce qui plus tard impressionna beaucoup car on le cantonnait dans un jeu dur électrique. En fait un simple retour aux sources. Il y avait aussi le fabuleux Cliff Gallup – le guitariste de Gene Vincent. Jimmy fit la connaissance d’un autre apprenti guitariste qui adorait comme lui Cliff Gallup : Jeff Beck. Ils passèrent bientôt des heures à décortiquer les solos des maîtres du rock’n’roll. Ils se lancèrent aussi des défis. Les doigts devenaient douloureux à force de jouer.
Désormais plus aguerri Jimmy se joignit à des groupes locaux. Quelque chose de bizarre avait lieu. En jouant il se métamorphosait. L’adolescent poli et réservé laissait place à un joueur passionné. Il se livrait sans retenu à la musique comme un derviche tourneur à sa danse mystique. Il devint bientôt une référence pour les jeunes guitaristes du coin. Il les emmenait dans le fameux salon reconverti à la gloire de la musique. Dans la cuisine la mère de Jimmy préparait du thé pour la bruyante assemblée. Sa guitare avait encore changé. C’était maintenant une énorme Gretsch Chet Atkins.

Préliminaires

Un soir Neil Christian, un chanteur de rock’n’roll alors célèbre, était de passage à Epsom. A la fin du concert Jimmy Page, âgé de quinze ans, monta sur scène. Neil le remarqua aussitôt (le bonhomme avait du nez. Il engagea aussi Albert Lee puis Ritchie Blackmore). Il lui proposa de le suivre en tournée. Les parents de Jimmy donnèrent leur autorisation et le voilà sur la route avec Neil Christian And The Crusaders. Les chemins de la gloire s’ouvraient devant lui. Mais rapidement ils devinrent boueux jusqu’à être impraticables. Le fragile Jimmy Page supportait mal la vie en tournée. Il tomba malade et retourna chez ses parents. Il finit par s’inscrire dans une école d’art à Suton. Rideau sur la musique pendant quelque temps. Mais, déjà, des rumeurs circulaient sur lui. On avait remarqué ce jeune guitariste plein de promesse ; bien avant que l’on parle d’Eric Clapton ou de Jeff Beck. Mais pour l’instant ses doigts s’occupaient de pinceaux et de couleurs.
Pourtant la musique était toujours là. Il s’exerçait en solitaire et allait voir des concerts. Après plus d’un an de silence il participa de nouveau à des jams. Il emmena dans sa maison un autre type timide comme lui : Eric Clapton. Dans le salon regorgeant de matériel c’était maintenant le blues que l’on jouait. Un soir Jimmy accompagna un géant du genre : Muddy Waters.
Alors que ses camarades tentaient leur chance avec leurs groupes, Jimmy devint musicien de studio. Il enregistra très vite avec deux anciens Shadows : Jet Harris et Tony Meehan. Le titre s’appelait Diamonds et fut un succès. Plus tard il croisa un autre musicien de studio, plein de ressources, qui avait tourné avec Jet et Tony alors lancés par Diamonds : John Paul Jones. Cette réussite initiale lança la carrière de musicien de studio de Jimmy, ou plutôt Little Jimmy Page comme on l’appelait alors. Sa guitare était maintenant une Gibson les Paul Custom, Black Beauty. (Pour plus de détail concernant la période studio voir le dossier de Juke Box Magazine.)
Les studios avaient un besoin urgent de musiciens. Les enfants du baby-boomers inventaient une nouvelle classe d’age : les teenagers. Ils voulaient avoir leur mode de vie et s’amuser. Les industriels les y aidèrent. Ils leurs vendirent des habits, de la nourriture, des mobylettes et des scooters, des magazines et des livres. Sans oublier des disques que promotionnaient les radios en les passant en boucle. Little Jimmy participa activement à l’élaboration de cette bande musicale qui accompagna ces années de joie et d’innocence. Le travail ne manquait pas.
A vrai dire labeur ingrat que celui de musicien de studio. Il n’était pas souvent crédité sur les pochettes des disques. En face les groupes devaient supporter ces requins de studio recrutés par les producteurs et les maisons de disque. Ces derniers se sentaient rassurés par la présence de professionnels qui comptaient déjà des succès à leur actif. Frustration réciproque.
En 1965 Eric Clapton quitta les Yardbirds. Il trouvait inadmissible l’orientation pop du groupe. La place fut proposée à Jimmy. Mais il refusa. Il conseilla à sa place Jeff Beck. Ce dernier, reconnaissant, devait plus tard lui offrir une élégante Fender Telecaster. Jimmy la décora en peignant lui-même des motifs psychédéliques. Il poursuivait les lucratives et harassantes sessions en studio. Il enregistra aussi un single. She’s just satisfies pour la face A et Keep Movin en face B. Il passa totalement inaperçu.

Chez les Yardbirds

Finalement voulant à tout prix changer d’air il accepta une place chez les Yardbirds. Le bassiste Paul Samwell-Smith ayant quitté le groupe Jimmy, qui n’avait jamais joué de basse, le remplaça au pied levé. Mais c’était temporaire : le temps que Chris Dreja, le guitariste rythmique, se familiarisa avec la basse. Nous sommes en juin 1966. Sur le papier les Yardbirds, ce groupe de seconde classe, avec son duo de guitaristes écrasants – Jeff Beck et Jimmy Page - avait de quoi s’imposer au firmament du show business. Mais rien ne se passa comme prévu.
Au début pourtant tout sembla aller pour le mieux. L’arrivée de Page avait apaisé la mésentente entre les musiciens. Jeff et Jimmy expérimentaient de nouveaux sons. La guitare électrique n’était pas seulement un instrument produisant des notes mais aussi du bruit, plus ou moins harmonieux, cela en poussant les réglages sur les amplis. D’un seul coup la musique devenait plus existante et sauvage. Reste quelques témoignages de ce blindé sonique. Le grand Antonioni filma les Yardbirds, avec les deux guitaristes en accord parfait, pour son film Blow-Up. Mais c'est surtout le fabuleux single Happening Ten Years Time Ago qui démontre jusqu'à quel point Page et Beck pouvaient être divins ensemble.

Troubles et montée en puissance

Mais Jeff Beck devint de nouveau de plus en plus inconstant. La tournée américaine, alors en court, tourna au chaos. Finalement il fut viré du groupe au grand soulagement des autres. Page, lui, savait que cette situation ne pouvait durer longtemps. Avec le départ de Beck il devenait le seul maître à bord. Le seul ? Pas vraiment. Un nouveau manager avait fait son entrée. Entrée titanesque : le type était un ancien lutteur de 120 kilos.
Il s’appelait Peter Grant et était né en 1935. Il avait trouvé sa voie en devenant manager, à la fin des années 50, sur la scène rock. Cet ancien figurant des canons de Navarone traînait avec lui une odeur de souffre. Il avait la réputation de méthodes musclées pour obtenir ce qu’il voulait. Pas si étonnant pour un ancien lutteur.
Il avait aussi été portier de nuit, comme Joseph Vissarionovich Djougtchvili dit Staline. Comme quoi ce métier conduit à tout.
Napier-Bell, l’ancien manager des Yardbirds, avait prévenu Grant que Page était un sale petit fouinard. Grant convoqua alors Page. Ce dernier s’expliqua. Il avait de quoi être curieux : le groupe n’avait pratiquement pas été payé ces derniers temps. Grant mit alors un bon coup de barre dans la bonne direction. Et le navire Yardbirds reprit, encore pour quelques temps, sa progression sur les eaux agitées du rock.
Hélas un album enregistré à la va vite (au nom prédestiné : Little Games) mina d’entrée l’humeur du groupe. Au fil des tournées le chanteur Keith Relf sombra dans la décadence de l’alcool et de cachets qui ne soignaient rien du tout, au contraire. Malgré cela Jimmy Page, sa Telecaster psychédélique en main, imprimait de plus en plus sa marque au groupe. Sa vision musicale s’affirmait. Parfois en ayant recourt à l’expérimentation. Il essayait de toutes nouvelles pédales d’effets, il grattait un archet sur les cordes de sa guitare. Sans grand scrupule il empruntait des chansons qu’il bricolait ensuite à sa sauce. Tout devenait plus lourd aussi.

Transmutations et fin des Yardbirds

Il n’y avait pas que Jimmy Page qui expérimentait. Eric Clapton, un fois sorti de sa retraite, avait créé un nouveau groupe orienté pop : Cream. Sa musique avait pour base le bon vieux blues. Mais le résultat était bourré aux amphétamines. En concert les chansons, souvent réduites aux thèmes initiaux, étaient un prétexte à de longues improvisations ; comme dans le jazz. La guitare ultra saturée de Clapton se frayait un passage dans des terres musicales inexplorées façon bulldozer. Mais toujours avec classe. Ce qui n’était pas un mince exploit. Cependant la révolution vint de l’ouest apportée par un jeune guitariste noir américain alors inconnu : Jimi Hendrix. Ce météore génial inventa, en quelques mois, le langage de la guitare électrique moderne.
La jeunesse poursuivait son émancipation. Elle déboucha sur une révolte contre l’ordre établi. Un constat s’imposait à elle : le monde était pourri. La guerre du Vietnam, l’autoritarisme, L’Etat, le capitalisme, l’aliénation par le travail, l’argent… en étaient les principaux symptômes. De plus la sexualité pouvait être amusante. Elle n’était pas cette chose sale pratiquée à la va vite pour enfanter, avec Jésus planté sur sa croix au dessus du lit, dans une chambre obscure. Les responsables de ces aberrations étaient tout trouvés : les adultes qui avaient laissé faire. L’idéal était de ne jamais être comme eux. Leur héritage avarié il pouvait se le garder (2).
Le monde occidental était spirituellement mort. Pour qu’il changeât en bien il fallait que la spiritualité l’emportât sur la matérialité. Cette quête emmena certains à se rendre en Inde. A Bénarès, sous les murs de pierres ocre d’un Ghât, combien se baignèrent dans le Gange aux milieux de restes de corps calcinés des bûchés de crémation ?
Le rebelle et le guru devenaient à la mode. De Che Guevara à Maharishi Mahesh Yogi (le guru des Beatles) Jimmy Page avait trouvé son guide, mais un bien particulier, mort et pas indien : Aleister Crowley. Il prit dans sa vie une telle importance que l’on peut parler d’un éveil, d’une troisième et nouvelle naissance, toute spirituelle celle-là. Il s’intéressait aussi au zodiaque. Son signe, celui du Capricorne, prédispose aux victoires les plus absolues et aux échecs les plus cinglants. C'est-à-dire capable du meilleur comme du pire…
En juillet 1968 les Yardbirds cessèrent d’exister. Keith Relf était devenu incapable de chanter. Le batteur et le bassiste en avaient assez. Peter Grant se retrouvait avec ce qui restait du groupe : le nom et Jimmy Page. C'est-à-dire pas grand-chose pour assurer les concerts prévus dès l’automne en Scandinavie. Mais, pas plus que Grant, Page ne voulait en rester là. Il parti à la recherche de nouveaux musiciens. Il fallait faire vite, le temps était compté.

Dans le ciel Londonien, au cœur de l’été, un gros nuage noir, aux reflets métalliques, se déplaçait avec lenteur. Il s’évapora peu à peu dans le clair azur.

Deuxième partie : De la chute de Led Zeppelin à aujourd'hui

(1) “…it's a cross between fingerstyle and flatpicking. I prefer just a flatpick and fingers…” Guitar Player, July 1977. Jimmy Page n’a jamais été très éloquent sur son apprentissage de la guitare. Il est certain qu’il n’a pas prit beaucoup de cours. Quand il était musicien de studio il était réputé ne pas savoir lire une partition. Il a surtout apprit par lui-même, en rencontrant d’autres guitaristes, et sur le « tas » en participant à divers groupe. Pour les influences on peut rajouter en blues BB King, Elmore James et en folk Bert Jansch.

(2) On pourra lire sur cette période : L’aventure Hippies de Jean Pierre Bouyxou, Acid Test de Tom Wolf, Journal d’un vieux dégueulasse de Charles Bukowski, Tigre en papier d’Olivier Rolin et pourquoi pas Lipstick Traces de Greil Marcus.

Biographie par Eric

Discographie pre-Led Zeppelin

Ne sont pas répertoriées les productions sur lesquelles Jimmy Page a joué en tant que musicien studio. Voir à ce sujet le dossier de Juke Box Magazine.

Singles

Jimmy Page - "She Just Satisfies" / "Keep Moving" (février 1965)
The Yardbirds - "Happening Ten Years Time Ago" / "Psycho Daisies" (octobre 1966)
The Yardbirds - "Little Games" / "Puzzles" (avril 1967)
The Yardbirds - "Ha Ha Said The Clown" / "Tinker, Tailor, Soldier, Sailor" (juillet 1967)
The Yardbirds - "Ten Little Indians" / "Drinking Muddy Waters" (octobre 1967)
The Yardbirds - "Goodnight Sweet Josephine" / "Think About It" (février 1968)

Albums

Jimmy Page & Sonny Boy Williamson (1964)
The Yardbirds - Little Games (1967)
The Yardbirds - Live Featuring Jimmy Page (1971) - enregistré en 1968
The Yardbirds - BBC Sessions (1999) - enregistré entre 1965 et 1968
The Yardbirds - Cumular Limit (2000) - enregistré en 1968

Discographie post-Led Zeppelin

Albums

"Death Wish II" Original Soundtrack (février 1982)
The Firm (février 1985)
The Firm - Mean Business (avril 1986)
Roy Harper and Jimmy Page - Whatever Happened To Jugula (mars 1985)
Jimmy Page - Outrider (juin 1988)
Coverdale & Page (mars 1993)
Jimmy Page & Robert Plant - Unledded / No Quarter (novembre 1994)
Jimmy Page & Robert Plant - Walking Into Clarksdale (avril 1998)
Jimmy Page & The Black Crowes - Live At The Greek (février 2000)